mardi 27 novembre 2007

LE VOYAGE ANTÉRIEUR (1)






LE VOYAGE ANTÉRIEUR



…il s’agit bien d’atteindre son lieu de déracinement…




J’ai marché dans mes pas
— ce n’étaient pas les miens…







I Tübingen

Humble servant des choses
et des saisons
il eut une tour sur le Neckar
servant des simples noms

risque était pris
dans le très mince écart
où gisait l’offrande défraîchie
près des jeunes morts

le vif de l’œil valait l’empan
l’embrasure des jambes
une illumination.

II Col de la Furka

Du très haut
— naufrage en altitude
un glacier aérien et bleu,
père du Rhône —

la Furka mime les horreurs de l’art
le sublime d’une mer
avec ou sans épave.

III Bibliothèque de Saint-Gall

“Pharmacie de l’âme”
en grec au linteau

lieu des volumes encagés
dans les courbes baroques
d’un parquet à lire
comme miroir de nature

les mangerons-nous, ces livres
vénérables ?
— pilés comme poudre de momies
ou découpés en petits carrés —
morte médecine.

DIE REISE NACH FRÜHER (1)







Die Reise nach Früher


Übersetzung: Angelika Gross


…es gilt, den Ort der eigenen Entwurzelung zu erreichen…

Ich bin in meine Fußstapfen getreten - es waren nicht meine eigenen …





I Tübingen

Demütiger Diener der Dinge
Und der Jahreszeiten
Er hatte einen Turm am Neckar
Diener der einfachen Namen

der Schritt war gewagt
Im haarbreiten Spalt
Wo die verblühte Gabe lag
Bei den jungen Toten

Die Schärfe des Blicks lohnte die Handspanne
Das Gewölbe der Beine
Eine Erleuchtung.

II Furkapass

Von dem Mächtigen oben
- Schiffbruch in der Höhe
ein Gletscher luftig und blau
Vater der Rhône -

der Furka mimt die Schrecken der Kunst
Das Erhabene eines Meeres
Mit oder ohne Wrack.

III Bibliothek von Sankt Gallen

"Apotheke der Seele"
in Griechisch auf dem Sturz

Ort in Barockwindungen
gezwängter Massen
eines als Spiegel der Natur
zu lesenden Parketts.

Werden wir sie verspeisen,
Diese ehrwürdigen Bücher ?
- zerstoßen zu Mumienstaub
oder in Viereckchen zerschnitten -
tote Medizin.

(Poème de Diotimos)

dimanche 25 novembre 2007

"AU MITAN DE LA VIE" de Hölderlin



Au mitan de la vie

Il est suspendu
Avec des poires jaunes
Et plein de roses sauvages
Le Pays dans le lac —
Vous — cygnes gracieux
Et ivres de baisers —
Plongez la tête
Dans l’eau sobre et sacrée.

Malheur ! où prendre — quand
C’est l’hiver — les fleurs et où
L’éclat du soleil
Et les ombres de la terre ?
Les murs se dressent
Muets et froids — dans le vent
Grincent les girouettes.

(traduction de Diotimos)

jeudi 22 novembre 2007

SOUS-CONVERSATION



À la librairie. Sous des rayons clairs et bien rangés, devant une table basse servant à l’exposition d’ouvrages, en un lieu qui faisait penser à une petite place au carrefour de plusieurs rues, conversation entre une vendeuse, brune, assez jolie, plutôt grande et élancée (trente, trente-cinq ans), et une cliente de sa connaissance (même âge), un peu plus petite et charnue. L’échange évoquait le mari de la vendeuse brune dont cette dernière venait juste de dire qu’il avait fait grève la veille (enseignant ? fonctionnaire ?). Elle soulignait avec une réelle vigueur dans l’intonation l’aspect irrationnel, passionnel, mais irréductible et plutôt brutal, de certaines prises de position tranchées compliquant une situation, de fait, déjà problématique. J’ai pensé qu’elle faisait allusion à la grève et à tout le mouvement social environnant. L’autre, la cliente, mit alors très maladroitement en avant, sur le mode de l’objection mais en s’y prenant à plusieurs reprises sans vraiment progresser sur la voie de la clarté, le fait que la femme qui parlait n’était pas « du milieu ». Celle-ci tiqua devant la formule comme si le terme était employé de façon péjorative ou impropre… En fait je n’ai rien appris ni compris du propos exact, anecdotique, ce que j’ai retenu et absorbé — et que je m’efforce de restituer ici — c’est une tonalité, une thématique, une atmosphère dont la perception avait tout de même quelque chose d’évident. Ainsi, l’on peut saisir la tessiture affective et même intellective d’une conversation, d’un échange verbal sans en connaître le sujet et l’on saurait en mimer et rejouer sans équivoque l’expression pure. À suivre…

PLOUGASNOU



Oratoire de N. D. de Lorette

Chanson impie

Oyez venir les orantes
en suppliantes

de garnir leur lit
elles sont impatientes
de mettre oison au nid

en suppliantes
Oyez venir les orantes

mardi 20 novembre 2007

LA CHEVELURE



Notre faculté des lettres, bâtie à mi-pente devant un horizon marin immuable, me fait souvent penser à un vaisseau, surtout quand elle est conquise — escaliers, couloirs, terrasses — par les violentes rafales de l’alizé. Un jour de plein vent, au moment de repartir, alors que je marchais dans la coursive qui conduit de nos bureaux vers l’entrepont où sont rangées les boîtes-aux-lettres, je surpris par dessus la rambarde de la terrasse du second étage — notre pont supérieur —, un grand élan en écharpe de cheveux longs jusqu’aux épaules, châtains, soyeux, flottant dans le vent par dessus la tête, voilant la face… C’était la chevelure même en partance dans la jouissance de l’élément… L’emprise souveraine de l’air qui dérobe un temps le visage fait perdre délicieusement souffle et repères. Je crus d’abord à une fille, mais quelque chose de délibéré et de brutal comme d’un abandon sans retenue ni coquetterie me fit comprendre avant que je ne voie. C’était bien un garçon qui se laissait aller à cet essor presque impudique ! Il m’a entrevu, je ne sais s’il m’a senti acquiescer à sa volupté.

lundi 19 novembre 2007

MES POISONS & DEUX ANTIDOTES (5)




Jean de Maisonseul
i. m.


Aveugle accroupi


Accroupi
— seulement à demi :
un genou en terre
et l’autre levé —
il fait face

Une bure l’enveloppe
et drape ses membres —
une seule main
à la fourche
repose

La force monte
du corps massif et un
vers le visage
qu’elle oblitère

Aveugle —
il n’a pas besoin
des yeux.

dimanche 18 novembre 2007

GRAFFITI & SENTENCES


C'était à Nice à l'orée du printemps 2006, un colloque sur "Éros traducteur". Il me plut d'abord de retrouver à l'entrée d'un des parkings de l'université, cet "Éros" devenu "F-EROS"


Mais les toilettes pour hommes de la bibliothèque universitaire où se tenait le colloque délivraient plein d'autres messages !





Nous étions en pleine contestation anti-CPE et le droit à l'insurrection s'affichait autant, ces jours-là, que le droit à l'érection !


samedi 17 novembre 2007

POUR LIRE LAUTRÉAMONT



pour Giovanni

Qui entame la lecture des Chants de Maldoror — suivant en cela (mais sur une tout autre ligne) les recommandations de l’auteur lui même — souhaite en un premier temps se prémunir, se préserver de toute déconvenue, de toute frustrante surprise, de toute “erreur”, se disant haut et fort qu’il ne s’agit là que d’un parti pris, que du choix délibéré d’un discours excessif, d’un style et d’une allure provocatrice qui n’engagent pas plus loin que les mots, que la rhétorique mise en œuvre et revendiquée comme telle… Et, ainsi conforté, l’on commence à entrer dans ce tissu verbal, bien éveillé et déterminé à ne pas se laisser prendre à ses mailles et filets, à ne pas oublier ce qu’est censément le jeu… Mais l’on a à peine dépassé l’invocation initiale (que l’on réfère soigneusement en esprit aux invocations antiques, à l’Enfer de Dante et au romantisme noir…, satisfait de son savoir…) qu’avec l’image de l’âme imbibée comme “le sucre” par “l’eau” l’on tombe déjà littéralement dans le réel… Impression, conviction qu’emportera définitivement la description minutieuse de l’“angle à perte de vue de grues frileuses” triangulant le ciel d’une réalité moins symbolique que simplement réelle et donnée ici parce que telle. Pensant se maintenir sans coup férir dans l’orbe éthéré et sans conséquence du rhétorique pur, notre lecture s’effondre tout de suite sur le réel et ce choc nous met aussitôt à l’épreuve.

Que diable ces grues viennent-elles faire ici ? Elles ne sortent apparemment pas, comme les “étourneaux”, les “stercoraires” et les “pélécaninés” du Chant cinquième, de l’Encyclopédie d’Histoire naturelle du Dr Chenu, chapitre “Oiseaux”. Mais la description qui leur est consacrée est fondée sur le même principe : le décalque le plus minutieux d’une réalité tangible et observable extérieure au texte et à toute littérature et c’est moins sans doute, comme le veut l’un des commentateurs les plus récents de ce passage (J.-L. Steinmetz), pour souligner “l’importance pour Ducasse de la parole exacte de la science” que pour nous affronter brutalement, sans raison, au réel. Certes il y a un sens allégorique possible, préparé par la personnification, l’humanisation plutôt, de la grue la plus ancienne et qui décide pour tout le groupe de la direction à adopter, car à la fin de ce paragraphe-prologue l’auteur compare le changement de cap décidé par la grue qui conduit sa troupe à celui que devrait accomplir le lecteur timide ou susceptible d’être incommodé par l’orientation morale de l’œuvre.

Et le piège a fonctionné : le lecteur, intrigué et étonné, se demandant où on le mène, a lu jusqu’au bout du paragraphe et il s’est laissé prendre à l’angle étrange dessiné par les “grues frileuses”, se demandant désormais ce que signifie ce triangle dont le troisième côté reste absent (j’ai lu quelques beaux délires critiques sur cette inoubliable figure qui n’en est sans doute pas une mais la retranscription seule de la réalité)… Bref, celui qui voulait se prémunir de la rhétorique grâce à sa propre conscience rhétorique vient de chuter hors et il est perdu, commotionné, impressionné et compromis également, tout de suite invité, “ô monstre”, à se “renvers[er] de ventre, pareil à un requin” et à associer “les deux trous informes de [son] museau hideux” à un reniflement sanglant…

Toutefois, rassurons-nous, le narrateur semble bien venir au secours du lecteur : des indices textuels multiples comme ses interventions (ironiques et souvent démystificatrices), comme le choix de termes et de tournures légèrement discordants ou décalés (le “chemin philosophique” élu par la grue la plus sage ; “la paix des agréables cieux”, inversion équivoque…), rappellent qu’il s’agit bien de mots, de jeux de mots, que le lecteur joue avec le narrateur, l’auteur et le personnage des jeux de langage. Quand le lecteur croit être dans un régime de pure rhétorique, de jeu sans adhérence, des incongruités que rien ne prépare ni ne justifie le font tomber dans le réel. Quand il se démène quelques instants de trop en ce bourbier nouveau, imprévu, des perches rhétoriques et ironiques viennent comme l’arracher à son marécageux dilemme.

À notre sens, le Système-Maldoror (que parfait la vraie fausse palinodie des Poésies) fonctionne comme une farce ontologique. L’auteur, tout en prévenant benoîtement qu’il ne faudrait pas le prendre trop au sérieux, monte une horlogerie rhétorique, immorale-monstrueuse et sadienne ou hyper-morale genre prêchi-prêcha, selon le réglage privilégié à un moment ou à un autre. Mais des décrochages inattendus, des coups de gong ou de boutoir font sans cesse sombrer cette apparente machinerie (cette machination) dans ce qui indéniablement est, “ek-siste”, dans l’étant manifestant l’être, et ce monde réel apparaît en même temps comme une inconcevable farcissure d’étants (objets, êtres, dimensions, situations), déréglés ou soumis à des règles vouées à éternellement nous échapper (comme le triangle des grues, le tourbillon des étourneaux ou les fantaisies sinistres des maelströms, des ouragans, de tous les prédateurs et de toutes les vermines). De constants retours (recours) au texte, à la seule réalité comme à la seule vérité textuelles, tentent toutefois de corriger cette redoutable impression incessamment reprise, remise au jour. La farce, ici, est le fruit des jeux de langage dont la magnifique fécondité est déjà une farcissure hétéroclite et complexe. Mais ladite farce a aussi, faisant chuter dans l’étant, une visée ontologique et elle nous révèle “l’être” aussi farci et farcesque que la rhétorique et le langage en leurs jeux... Entre les deux faces de la farce, farcissure inquiétante et grotesque, dérision cruelle et destructrice, commotion sidérante et dénégation, il faudrait à chaque fois tenter de retenir la moindre et l’auteur-narrateur, en trop exact pervers textuel, ne cesse de nous ballotter, nous vouant à l’ivresse d’une oscillation sans but ni butée.

LES HOMMES DE BOUE



Vous vous levez des rizières prénatales
et vos peaux sombres
— blanchies du lait de la terre —
luisent aussi de vos sueurs —

vous ramez à grands coups de pelle
sur la flaque de limon liquide
où vous enfoncez à mi-cuisse —
habillés de boue
le soleil vous caparaçonne —
vous moulant un autre corps à même la peau —

noires et courbées
vos femmes repiquent de leurs mains nues
dans la fiente féconde
les pousses virides de votre vie future —

ne rions pas
de leur humble et long accroupissement
nous qui passons si vite
pour aller vainement loin —

balayés, noyés dans vos rizières
lents et rêveurs — blanchâtres fétus —
nous n'y flotterions même pas !

dimanche 11 novembre 2007

samedi 10 novembre 2007

UN CRI



Un cri. Montant de la rue jusqu’au quatrième. Montant, par deux fois, comme une flèche soudaine sans être ni perçant ni aigu. Une voix d’homme presque grave étirant de manière presque inarticulée une brève portée de syllabes, soulevée, enlevée par la seule intonation. L’étrange absolu que ce cri incompréhensible et nu, comme désincarné, sans expressivité autre que d’être un pur et simple signal, rimant brusquement avec l’austérité de la chambre où je m’éveillais (murs d’une teinte sale, lit de fer, meubles fonctionnels et usagés, d’un bois brunâtre). Ce cri, celui d’un marchand de charbon de bois (comme je l’apprendrais peu après), je le pris tout de suite pour ce qu’il était, nullement une manifestation de détresse, mais le signe patent d’un immense dénuement maîtrisé et accepté, l’indice d’une force calme affirmant une présence, une patience, un entêtement dans l’être. Ce fut, pour moi, en ce pays encore inconnu, la première sensation vraie. Je venais juste d’arriver la veille et je me réveillais au quatrième étage de la Maison de La Réunion, haute bâtisse sans style, remarquable par sa seule hauteur et parce qu’elle couronne la colline d’Isoraka, l’une des douze collines de Tananarive. Elle servait d’internat au lycée français de la ville et de lieu de transit pour les nouveaux coopérants. Je n’y restais que trois nuits en cette fin du mois de septembre 1980, bientôt chassé des lieux par la rentrée des lycéens.

Je dus prendre une chambre au Sélect Hôtel pour quelques nuits encore, le temps de trouver une location. L’hôtel était situé à Analakely, sur l’avenue de l’Indépendance, au cœur de la ville. Une haute bâtisse encore et sans plus de style que mon précédent refuge mais dressée entre deux des principales collines, au creux de la cité. L’inconfort m’étonna, sans doute à cause du nom même de l’hôtel et du prix de la chambre. Le matelas bourré de paille de riz était dur, inégalement bosselé et odorant. Les lieux, en raison des matériaux modernes et des aménagements mal finis et déjà détériorés, étaient laids et froids, ni propres ni sales, usés et comme étrangers à la vie. Ma première nuit y fut terrible et mémorable. Quelques heures après la tombée du jour (et le jour descend de bonne heure), la grande caverne mal éclairée de l’avenue sur laquelle donnait ma chambre fut envahie par une violente musique de danse, si forte et si impérieuse qu’elle ne laissa plus aucune place au repos. Je n’avais aucun moyen de me protéger. Le plus étrange était que, si l’on voyait bien clignoter sur l’immeuble en face de l’hôtel l’enseigne d’une boîte de nuit, il demeurait impossible d’en apercevoir l’entrée et la rue était vide, tout à fait vide. Le vacarme qui naît d’une fête animée, d’une foule qui s’éjouit peut être accepté et l’on peut, à la rigueur, s’identifier aux joyeux lurons. Mais un vacarme provoqué comme à plaisir et en pure perte, dans le désert et pour le désert ? Était-il question de nuire aux riverains ? Sans doute pas, ce n’était que le fruit d’une totale indifférence à la vie des autres quels qu’ils fussent. Je vécus ce vacarme qui dura presque jusqu’à l’aube comme une agression personnelle et je m’exaspérai longtemps de ne voir personne sortir pour protester, pour hurler son horreur. Je passai la nuit quasiment sans dormir. Je ne m’étais jamais senti à ce point exclu, étranger et exclu, et j’en étais glacé. Je demandai, dès le matin, à changer de chambre afin d’en prendre une qui donnât sur l’arrière de l’hôtel. Ma plainte ne fut pas comprise mais l’on accéda à ma demande.

dimanche 4 novembre 2007

AVECOUSANSCADRE?









GUÊPE MAÇONNE



Le fait de vivre fenêtre ouverte presque toute l’année (grâce en soit rendue au climat !) entraîne parfois de curieuses osmoses, d’étonnants croisements. L’air est le même dedans dehors : de vrai, aucune solution de continuité, et la nature glisse dans la culture. Ainsi d’une guêpe maçonne qui prit l’un des rayons de ma bibliothèque pour lieu propice à l’édification d’un nid, de son nid apparemment car je la vis toujours travailler solitaire. L’affaire dura bien une quinzaine et je m’efforçai de ne pas la troubler. Jour après jour elle façonna au bout d’un court pédoncule flexible une élégante cupule composée de minuscules alvéoles serrées les unes contre les autres. L’ensemble ressemblait à une petite tête de coquelicot ou de pavot dépourvue ou dépouillée de ses pétales. L’assiduité de l’insecte était remarquable et rien ne pouvait distraire son labeur, pas même une observation rapprochée de ses allées et venues comme de son activité. Le jeu devint routine jusqu’au moment où je ressentis une soudaine différence dans le comportement de l’animal qui eut l’air plus agité, presque anxieux et je remarquai alors très vite que la guêpe ne bâtissait plus mais défaisait au contraire ce qu’elle avait construit et cimenté elle-même. Le travail — de récupération des matériaux, sans doute —, plus fébrile, prit moins de temps que l’élaboration initiale et bientôt il ne resta plus sous mon étagère qu’un avorton de tige terminé d’un renflement noirâtre et mou, desséché, le simple déchet d’une structure vivante entièrement déconstruite. L’insecte architecte avait corrigé son erreur, inquiet dès qu’il eut compris sa méprise. Comment ? Cet acte de conscience reste un mystère et s’impose comme un fait. Il y a peut-être des coexistences impossibles, des distances nécessaires, des ordres à ne pas mêler. Il me reste un regret — de curiosité frustrée — devant cette promesse effacée, devant cette rencontre manquée.

20 septembre 2004

vendredi 2 novembre 2007

UNE NEUVAINE D'AMOUR (3)



7. Je danse ton absence —

houle qui lève
le poids de mon corps
le libère de ses liens

flux et reflux qui fait entrer
dans le grand branle

rythme qui me met
à ta place —

transformé en toi
je suis toi.


8. Je nourris ton silence —

j'écoute —
les mains muettes

je touche —
les yeux distraits
par des jeux d'ombre
sous les feuilles

je goûte, je respire —
tout le corps de l'air
à même les lèvres
les narines

je vois l'inaudible —
ton silence m'approfondit.


9. Il est un temps pour aller à deux —
se frayer une piste
une et double —

un temps pour se rappeler
aux veines secrètes des monts —

un temps pour le détour
— à tâtons —
vers ton visage d'amour
reconnu du bout des doigts.